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#Séance plénière 19 octobre 2017 : Intervention constructive et offensive de Nathalie Sarrabezolles

Mesdames, Messieurs, cher.e.s collègues,

Nous sommes aujourd’hui réuni.e.s pour notre troisième séance plénière de l’Assemblée départementale. Cette séance, comme toutes les sessions plénières, est publique, ouverte à toutes et tous. Je tiens à saluer chacune des personnes présentes en tribune, particulièrement les étudiants de licence professionnelle «Métiers de l’administration et des collectivités territoriales», de l’université Rennes II, qui découvrent notre institution dans le cadre de leur cursus avec le centre de gestion du Finistère, ainsi que les membres de la délégation qui s’est déplacée depuis le centre social de Pont-L’Abbé.

Mesdames et Messieurs,

Nous nous trouvons aujourd’hui, au lendemain de l’ouverture des débats sur le projet de loi de finances 2018 et à la veille de la clôture du congrès de l’Assemblée des départements de France, à un moment crucial de notre mandature. Crucial car nous devrions connaître prochainement plus avant les bases légales et financières sur lesquelles appuyer notre action, crucial car c’est le moment où sera donnée l’orientation voulue par le gouvernement pour les années à venir dans ses relations avec les collectivités. Respect de l’autonomie des collectivités ou retour d’une intervention plus forte de l’Etat dans nos missions ? Ces questions sont au cœur des discussions entre les Départements et le gouvernement.

Après la réforme territoriale, qui a fixé les missions et les compétences, après leur contribution sans précédent au redressement des comptes publics, les Départements sont toujours en attente de réponses à leurs questions relatives au financement des politiques de solidarité et d’une meilleure visibilité sur leurs budgets à venir.

En effet, nous, élu.e.s du Conseil départemental, orientons nos décisions vers la correction des inégalités territoriales et sociales. Nous agissons en tant que chef de file ou partenaires, en étroite collaboration avec les diverses parties liées à nos missions : Etat, collectivités locales, associations, agences… En cela nous sommes à la manœuvre de puissants leviers de développement et de croissance pour nos territoires et pour le pays. Les politiques de solidarité, en effet, loin de constituer une charge ou un lest, sont les ressources et les appuis à partir desquelles se construisent réussite individuelle et réussite collective.

Conseils départementaux, nous sommes force de proposition et engageons, en responsabilité, les discussions pour aboutir à la mise en œuvre de politiques publiques de qualité, les plus adaptées possibles aux besoins des personnes et des territoires, en nous reposant sur les ressources mobilisables. Nous avons ainsi engagé de longue date, dans le cadre de l’Assemblée des Départements de France, des échanges avec l’Etat sur nombre de sujets de préoccupations : le financement des allocations nationales de solidarité, et singulièrement du RSA, ou les moyens nécessaires à l’accueil des jeunes mineurs non accompagnés en sont quelques exemples. Certains de ces échanges pourraient avoir de prochaines issues positives et, si cela devait effectivement être le cas, nous ne pourrions qu’en être satisfaits. Le Président de la République a ainsi annoncé à plusieurs reprises que le premier accueil des mineurs isolés, leur mise à l’abri, ainsi que l’évaluation de leur âge et de leur situation, devraient relever des missions de l’Etat. Nicole Belloubet, ministre de la Justice, récemment interrogée à ce sujet au Sénat dans le cadre des questions au gouvernement, a précisé que le Premier ministre ferait des annonces demain en clôture du Congrès des Départements. J’y serai présente et attends donc, à l’instar de mes collègues présidentes et présidents de Départements, des propositions concrètes. En effet, une fois ces jeunes reconnus mineurs et isolés, ils nous seront confiés et nous mettrons en œuvre, comme cela est notre mission, les dispositifs de protection de l’enfance pour les accompagner dans leur parcours. Nous pourrons ainsi contribuer au meilleur accueil de ces jeunes, au développement de leur autonomie et de leur projet.

D’autres annonces récentes du gouvernement toutefois, traduites dans le projet de loi de finances, ne laissent pas de nous inquiéter : la baisse du nombre des contrats aidés, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer, qui handicape fortement les personnes en parcours d’insertion et impacte brutalement le secteur associatif pourtant acteur important de la vie citoyenne et du lien social, les annonces sur le logement social, celles d’un pacte avec les collectivités…

Je m’arrêterai aujourd’hui sur ces deux derniers points.

Le logement tout d’abord.

Les préoccupations principales des Finistériennes et des Finistériens sont les mêmes que celles de l’ensemble des Françaises et des Français : l’emploi, bien entendu, le logement et la mobilité, ainsi que l’appui dans leurs projets et leur quotidien surtout lorsque des difficultés se font jour, ponctuellement ou, malheureusement, dans la durée.

Cibler le logement, et notamment le logement social, me parait donc être un mauvais signe. En la matière, le Conseil départemental du Finistère s’est fortement engagé : aides à la pierre, soutien au logement en milieu rural, actions avec le bailleur départemental, Finistère habitat, en faveur des jeunes, du parcours résidentiel des personnes âgées ou handicapées, dans la lutte contre l’habitat indigne et la précarité énergétique, dont nous examinerons l’un des axes lors de notre session. Notre plan départemental de l’habitat, adopté en 2014, prévoit ainsi la production de 875 nouveaux logement sociaux chaque année avec des objectifs d’accroissement de la part des logements à loyer très abordable, de rééquilibrage territorial et d’une mobilisation prioritaire du bâti existant, afin de limiter la consommation de foncier. Dans le cadre de notre délégation d’aides à la pierre 2012-2017, nous nous étions engagé.e.s à consacrer un peu plus de 18 millions d’euros pour soutenir le développement de l’offre locative. Nous tiendrons cet engagement, alors que l’Etat ne le fera pas, ne dépassant pas 5,9 millions d’euros sur les 8,8 millions promis pour le logement public. Ce sont ainsi plus de 50 opérations de logement social qui seront déprogrammées d’ici la fin de l’année. Les ressources des bailleurs sociaux, qui proviennent pour l’essentiel des loyers et des cautions des locataires, sont consacrées à l’amélioration de l’existant et à l’accroissement du parc. Il n’y a pas d’argent dormant. J’invite parlementaires et ministres à venir constater les résultats des politiques logement en Finistère. Ces décisions qui s’imposent à nous, apparemment définies sur la base d’observations de moyennes, ne correspondent pas à la réalité de nos territoires, à la réalité du Finistère. La réunion de l’observatoire de l’habitat, le 17 novembre prochain, sera l’occasion d’ouvrir des débats au cours desquels cette réalité devra être prise en compte.

Le pacte évoqué par le gouvernement ensuite.

L’Etat souhaite passer avec les 319 plus grandes collectivités de France un pacte qu’il appelle républicain. J’alerte sur les risques d’une telle démarche pour la libre administration des collectivités, dirigées par des élu.e.s issu.e.s de l’expression du suffrage universel. Je comprends bien que la question des finances publiques est en cause. Je tiens donc à rappeler ici l’effort conséquent des départements en la matière.

Nous n’avons pas attendu les injonctions de l’Etat, dans le Finistère, pour faire d’importants efforts de gestion, pour proposer des budgets responsables, rigoureux et justes. Nous sommes ainsi parvenus à faire face à la fois à la baisse importante de nos ressources, près de 120 millions en quatre ans, et à la hausse des dépenses de solidarité relevant de la solidarité nationale, tout en maintenant un niveau d’investissement important. Il nous sera réellement difficile de faire mieux, voire même simplement aussi bien, sans visibilité et prévisibilité des budgets. En effet, si l’observatoire des finances publiques est optimiste pour 2017, c’est en raison du montant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), recette peu stable et non pérenne. Or les Départements ont besoin de perspectives claires, d’une autonomie financière et fiscale renforcée. C’est pourquoi nous demandons à la fois une résolution de la question des allocations individuelles de solidarité (près de 105 millions non compensés pour le Finistère en 2017) et une part de recette dynamique correspondant à la nature de nos missions.

Ce dialogue nouveau, cette confiance entre l’Etat et les collectivités, ces coopérations, nous les attendons et nous les espérons, dans nos instances locales. Elles sont très souvent déjà une réalité en Finistère. J’ai proposé un moratoire sur les contrats aidés, un travail collectif sur cette question, qui aurait pu être une illustration de ces nouvelles relations. Je n’ai obtenu aucune réponse. Pourtant, nous avons su faire la preuve, depuis les lois de décentralisation, de notre responsabilité, de notre innovation, de notre créativité, de notre efficacité dans les missions qui nous ont été confiées. A un moment où les citoyens et citoyennes demandent toujours plus de proximité afin de participer au mieux aux décisions qui les concernent, afin d’affiner les propositions et les adapter aux ressources des territoires, il paraît paradoxal et incompréhensible de revenir à une centralisation des décisions. Nous en avons l’expérience, les dispositions nationales plaquées artificiellement sur nos organisations entraînent dépenses de temps et d’énergie, et par conséquent de moyens, que nous pourrions utilement mobiliser ailleurs.

Nos territoires sont en mouvement, les élu.e.s, les citoyennes et les citoyens sont en action. Nous avons démontré nos capacités à dépasser nos limites institutionnelles, à agir ensemble et à obtenir des résultats. Nous devons voir grand : départemental, régional, national, européen…

Les quelques exemples de la création d’un réseau et d’une charte d’engagement pour l’ingénierie départementale, qui vous seront soumis tout à l’heure, du syndicat mixte Pêche et Plaisance de Cornouaille, porté par le Département du Finistère et ses partenaires, décidé en cette enceinte à l’unanimité, de la contribution finistérienne au Schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires, soulignent l’importance de la proximité, des coopérations et de l’interconnaissance, pour ouvrir le chemin vers les solutions aux nouvelles questions qui nous sont posées.

Si le cadre de notre action est souvent compliqué, les choix difficiles, les arbitrages contraints parfois nécessaires, nos réflexions nous ramènent toujours au sens de l’intérêt général pour mener des projets et agir pour les habitant.e.s. Le projet départemental en est la traduction, synthétisant la cohérence de l’action départementale : nous faisons le choix de la solidarité, le choix de la jeunesse, le choix de l’avenir.

Ces choix, vous les verrez traduit à travers les rapports examinés aujourd’hui : appui et soutien au service départemental d’incendie et de secours, effort particulier pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux du secteur associatif, soutien appuyé aux collèges en milieu rural pour leurs déplacements, appui aux chantiers d’insertion et à l’accès des femmes à l’insertion par l’activité économique, projet européen pour favoriser la pratique sportive des personnes en situation de handicap…

Le Conseil départemental est également présent dans les grands projets menés dans l’intérêt du Département et de ses habitant.e.s : l’amélioration de la ligne ferroviaire Brest-Quimper, une attention fortement concentrée sur les suites du développement des lignes à grande vitesse entre Rennes et Brest et Rennes et Quimper. Les élu.e.s font en outre le choix d’être à l’initiative ou en soutien d’actions qui participent à la vitalité, au dynamisme, à la créativité nationale. Le Finistère, en effet, ne fait pas qu’attendre des marques d’intérêt, il contribue fortement au développement de notre pays et à son attractivité. Il regorge de ressources et même de trésors. Je vous proposerai ainsi de faire aujourd’hui un pas de plus vers l’acquisition des archives de La Villemarqué, véritable trésor national de la culture orale, en provisionnant les moyens financiers nécessaires. Dans d’autres domaines, l’expertise et l’expérience des forces vives finistériennes pourront quant à elles, par la contribution que nous proposerons aux réflexions européennes en cours, concourir à la définition des axes d’évolution de la politique agricole commune ou des suites du Brexit.

Loin de la petite musique qui divise et qui accuse, qui semble s’amplifier au fil des médias et réseaux, j’observe en Finistère une volonté intacte, une volonté nette de contribution, de participation, de solidarité. C’est ce que je préfère retenir. Il est d’utilité publique, d’utilité sociale, de composer les meilleures alliances pour la défense de l’intérêt général, celui des habitantes et des habitants de nos territoires. Il nous faut aussi, comme le proposait Pierre Mendes France, « ne jamais sacrifier l’avenir au présent », mais consolider et amplifier les initiatives pour améliorer le quotidien et accompagner l’autonomie, pour que chacun apporte sa pierre à l’édifice commun. Il n’y a pas les uns et les autres, mais les uns avec les autres, chaque individualité permettant de construire notre objet commun : vivre en société, faire société, être libre parmi les autres, avec les autres, en lien.

Nous vivons une période d’évolution rapide, cause de nombreux doutes. Ne nous laissons pas aller à chercher d’abord une responsabilité chez l’un ou chez l’autre. La recherche de boucs émissaires a toujours mené à la catastrophe. C’est une forme d’aveuglement mortifère qu’il faut abandonner. Evaluer ce que nous faisons, analyser les situations, les contextes et proposer des solutions, nous demander quelles politiques publiques, quel service public nous voulons, voilà ce que nous faisons, sur la base de principes essentiels de justice, d’égalité, de liberté, de solidarité, qui fondent notre action.

Pour terminer, et pour faire écho à l’actualité, j’aimerais m’arrêter sur trois sujets qui ne sont pas liés entre eux et qui ne sont pas directement de la compétence du conseil départemental, mais qui nous concernent, Finistériennes et Finistériens, citoyennes et citoyens, femmes et hommes.

Je souhaitais tout d’abord, en cohérence avec les politiques menées par le Conseil départemental du Finistère en faveur de la langue bretonne depuis de longues années et avec le schéma linguistique élaboré ici collectivement, joindre ma demande à celles adressées au ministère de la justice pour permettre l’usage du tilde. Il y a bien des choses qui peuvent mettre en danger la République, à laquelle je suis, comme je suis sûre vous toutes et tous, très attachée. Le tilde ne fait décidément pas partie de celles-ci. Concentrons nos efforts sur les réels dangers et laissons notre langue régionale, langue vivante, s’épanouir dans la totalité de ses lettres et signes diacritiques.

Je me fais ensuite ici la voix de nombre de personnes, d’élu.e.s, pour qui l’information de proximité n’est pas un luxe, mais un lien important entre les habitants et habitants d’un territoire, une source d’interconnaissance et de connaissance, une voix pour la participation citoyenne. Je souhaite donc appeler l’attention de la direction générale de France 3 sur l’importance de maintenir l’édition locale Iroise et vous informer que je recevrai prochainement le directeur régional afin d’évoquer ce sujet avec lui.

Enfin je ne pouvais, avant de terminer, rester silencieuse dans la tempête qui s’est élevée depuis quelques semaines, révélant au grand jour ce que beaucoup, et surtout beaucoup de femmes, connaissaient sur la réalité des violences verbales, physiques, du harcèlement et des agressions sexuelles. Une femme sur cinq confrontée à ces comportements, des violences sexuelles qui touchent plusieurs millions de femmes en France, une personne sur 5 qui connait ou a connu le harcèlement au travail, plus de 90% des utilisatrices des transports en commun victimes d’attouchements : les chiffres font froid dans le dos, et ils ne sont probablement que partiels. Les témoignages sont édifiants. La question législative se pose, bien entendu, et j’ai entendu Marianne Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que des parlementaires s’exprimer à ce sujet. C’est une avancée. Mais au-delà de la loi, de l’amélioration de l’accueil des victimes qui décident de porter plainte et de leur accompagnement, c’est la question de la prévention qui se pose. Comment accepter que de tels comportements, individuels et collectifs, soient encore tolérés dans les lieux publics, sur les lieux de travail, d’étude, de vie ?

J’espère que la période qui vient de s’ouvrir permettra de prendre la mesure de ce drame, de ces drames, et qu’elle ouvrira les yeux de beaucoup sur la nécessité d’agir pour que cela cesse. Il s’agit d’une réalité qui nécessite que l’on en parle, parce que c’est un phénomène massif, parce qu’il est de notre responsabilité d’alerter et de dénoncer l’inacceptable. En la matière, en plus des parents, des familles, c’est toute la société qui doit éduquer, qui doit montrer, par l’exemple, que ces situations sont inadmissibles, qu’elles sont intolérables. Le Conseil départemental, par les voies politiques de ses missions, y prendra toute sa part. Le dispositif d’appel a projets en matière de vie affective et sexuelle à destination des collèges, soumis ce jour à votre décision, y contribuera. C’est une nouvelle étape dans l’avancée des politiques décidées ici en la matière.

En lien avec ce sujet, et en connexion directe avec les politiques de protection de l’enfance, je soutiens en outre naturellement la proposition de loi de Laurence Rossignol, sénatrice, ancienne ministre du droit des femmes, pour une meilleure protection des mineur.e.s victimes de viol et autres agressions sexuelles, dans laquelle elle réclame une présomption de non-consentement en dessous de l’âge de 15 ans, ainsi qu’un allongement à 30 ans du délai de prescription applicable aux crimes sexuels.

Marlène Schiappa l’a affirmé : la société est prête à entendre. Il est temps ! Et même si elle ne l’était pas, ce ne serait pas une raison pour laisser la peur régner, la souffrance continuer à s’installer en silence. Il paraît salutaire que ces questions du respect, de l’égalité entre les femmes et les hommes dans notre société, dans les rues, dans les établissements scolaires, sur les lieux de travail… arrivent enfin avec autant de force dans le débat public. Il nous appartient en tant qu’élu.e.s, en tant que citoyennes et citoyens engagés, de ne jamais, individuellement ou collectivement, céder sur ce principe d’égalité.