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Séance plénière de janvier 2016 : le discours de Nathalie Sarrabezolles

La Séance plénière des 28 et 29 janvier est consacrée en particulier au budget primitif pour l’année 2016. Retrouvez ci-dessous le discours d’introduction de la présidente du Conseil départemental du Finistère, Nathalie Sarrabezolles.

nathalie sarrabezolles HD« Mesdames, Messieurs, cher-es collègues,

Au cours de cette session, nous serons amenés à nous prononcer sur des propositions d’actions définies par nos choix politiques et à adopter le budget qui nous permettra de mettre en œuvre, tout au long de l’année, les compétences et les missions qui nous sont dévolues, les partenariats que nous avons construits, les engagements que nous avons pris.

Ce budget est bien entendu celui de l’année 2016, mais il devra également tenir compte des années à venir, des politiques de moyen et de long terme, ainsi que des investissements à prévoir pour continuer à inscrire notre département dans sa démarche de développement et d’évolution.

Il sera un premier pas dans la nécessaire redéfinition de nos interventions, dans le processus de changement structurel de nos politiques, dans une volonté d’amélioration constante de l’efficacité de nos actions.

En phase avec les légitimes interrogations des jeunes, leurs attentes, leurs espoirs, le dernier numéro du Monde des ados titrait en ce début d’année : « Imagine toi être ado en 2050 ». Loin de relever de la science-fiction, cette proposition faite à ses lecteurs et lectrices par le magazine doit être pour nous, élu-es, l’illustration d’une invitation à prolonger nos actions et nos projets, à les accompagner dans la durée. Si nous nous projetons sur la même période dans le passé, regardons 1982 : que de chemin parcouru, que d’évolution dans notre département et dans notre société depuis lors !

Ma conviction est qu’au-delà de nos actions dans le quotidien des Finistériennes et des Finistériens, c’est cela aussi et surtout notre mission : permettre aux jeunes de se projeter dans un avenir qui leur convienne, qui leur ressemble, dans lequel ils pourront pleinement être acteurs et actrices de leur vie. Pour y parvenir, il nous faut à la fois préserver ce qui fait la réussite d’hier et d’aujourd’hui et les ressources et capacités à faire pour demain. C’est le délicat exercice d’équilibre qui nous attend cette année et les suivantes, peut-être plus que jamais.

Dans quel contexte procédons-nous à cet exercice ?

Pour reprendre l’expression d’un maire finistérien lors de ses vœux, nous avons vécu en France en 2015 une « année sidérante de violence ». Violence qui vient s’ajouter aux difficultés du quotidien que vivent nombre d’entre nous, principalement la perte ou le défaut d’emploi, le manque de perspective en ce domaine, mais aussi la crainte qu’ils ont de perdre, pour certains, le peu qu’ils ont, la crainte de voir leurs enfants confrontés à des lendemains sombres.

La violence, ce sont les attentats, la peur que les terroristes souhaitent répandre.

C’est aussi le manque de considération, d’attention aux unes et aux autres, à leurs situations, le manque d’information, d’explication. C’est la défiance permanente.

C’est encore celle des mots, celle des superlatifs, extrêmes souvent à tel point qu’il nous faudra en inventer de nouveaux tant les termes perdent leur sens, celle de la panique qui se propage, celle de l’urgence permanente.

C’est enfin celle que certains imposent en niant systématiquement le moindre espoir, en balayant d’un revers de phrase les arguments qui plaident pour une vision réaliste de la situation. Réaliste, c’est-à-dire prenant en compte les points positifs autant que les négatifs, qui ne cherche pas à se perdre dans la nostalgie d’un passé révolu (et qui n’est quelquefois qu’un passé fantasmé), mais à trouver des solutions aux problématiques d’aujourd’hui avec les outils, la volonté et la créativité des hommes et des femmes d’aujourd’hui.

Car, même si cela nous est souvent reproché dans cette enceinte, nous réaffirmons que nous devons nous appuyer sur les forces et les opportunités caractéristiques de notre département pour nous ressourcer, nous rassembler, rebondir et avancer.

Reconnaître ces ressources, ces forces et ces opportunités, ces réalités actuelles et ces capacités pour l’avenir, ne plus se noyer collectivement dans un pessimisme délétère, c’est aussi concentrer notre attention et nos efforts sur celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Dans ce contexte, dans notre département, avec nos compétences et malgré nos difficultés budgétaires, nous devons être particulièrement attentifs à tous ceux qui vivent des situations de fragilité ou de précarité, temporaires ou de plus long terme.

Je pense bien évidemment particulièrement aux agricultrices et aux agriculteurs qui se trouvent en ce moment dans une situation extrêmement difficile. A toutes celles et tous ceux qui, après les licenciements massifs des dernières années n’ont pas retrouvé d’emploi : les salarié-es de chez Gad, Jabil, Marine Harvest et bien d’autres encore. A tous ces jeunes qui peinent à trouver un emploi et gagner leur autonomie, malgré leur formation, leurs compétences, leur détermination et leur engagement.

Je pense également aux personnes qui souffrent d’une situation de handicap, de perte d’autonomie, aux familles, aux enfants qui ne reçoivent pas tous, pour diverses raisons, l’affection, la confiance et l’appui dont ils ont tant besoin, à toutes et celles et tous ceux qui souffrent de discrimination et d’exclusion.

Nombre de décisions qui permettront d’apporter des solutions à ces difficultés ne sont pas directement du ressort du Conseil départemental. Pour autant, notre collectivité a un rôle important à jouer auprès de toutes et tous, directement ou indirectement sur chacun des territoires finistériens.

Nous avons donc la volonté d’être présents, mais quelles compétences avons-nous pour agir ? La réforme territoriale, votée l’année dernière, se met progressivement en place. Elle prévoit nombre de dispositions qui ont des conséquences très directes sur nos actions, dont quatre résumées ainsi :
Le Conseil départemental est confirmé dans ses missions de solidarité ;
Le 31 décembre 2015 a vu la fin notre possibilité d’agir au titre de la clause de compétence générale ;
Certaines compétences doivent s’exercer sous forme partagée : la culture, le sport, la langue régionale, le tourisme ;
Dans certains domaines du champ économique, le Département garde capacité à agir en concertation avec le Conseil régional.

Ces nouvelles règles impliquent bien entendu des discussions avec nos différents partenaires. Un calendrier s’établit, qui tient compte des échéances à venir. Les instances prévues seront bientôt installées pour suivre les évolutions : transferts, délégations, partenariats…

J’ai rencontré François Cuillandre et Jean-Yves Le Drian, respectivement présidents de Brest Métropole et de la Région Bretagne, lors de réunions de travail. Je vais régulièrement à la rencontre des élu-e-s des communes et intercommunalités. Les Vice-présidents et élu-e-s référents sont également en contact sur le périmètre de leurs délégations.

Nous avons proposé au vote des conseillers départementaux et conseillères départementales, dès décembre, des propositions qui anticipaient un certain nombre de ces évolutions afin de ne pas voir s’éteindre des dispositifs trop brutalement mais laisser le temps de la réflexion sur les possibilités différenciées d’intervention : la desserte aérienne d’Ouessant, l’aide aux projets d’entreprises déjà présentés, le soutien aux mutations de la filière agricole en cours…

La fin des aides directes aux entreprises, en effet, ne signifie pas pour autant arrêt de tout soutien. Les représentants du monde agricole le comprennent bien lorsqu’ils se tournent vers nous attendant moins un apport financier qu’un appui au développement des circuits courts, à la valorisation des produits, une sensibilisation des jeunes aux métiers de l’agriculture, un appui aux familles en difficulté.

J’ai adressé au Ministre de l’Agriculture un courrier rappelant l’engagement historique du Conseil départemental dans les politiques agricoles et lui proposant de continuer à être un partenaire actif aux côtés des principaux intéressés.

Le travail commencé depuis plusieurs années sur tous ces sujets en lien avec les représentants des filières sera poursuivi cette année et alimentera les travaux de la commission Insertion et économie et de notre Assemblée.

Les rapports que nous présenterons aujourd’hui et demain pourront être impactés par la mise en œuvre des lois NOTRe et MAPTAM. Les discussions portent sur la question des compétences exclusives, des compétences partagées, des nécessités nées de nos spécificités territoriales, des équilibres à préserver.

Nous examinerons, au fil de cette séance plénière, des propositions qui illustrent notre projet de nous inscrire dans la ligne des solidarités, humaines et territoriales, celle qui a été choisie en 2015 par les Finistériennes et les Finistériens, dans la continuité du travail effectué dans ce département depuis 1998.

Ce projet s’articule autour de deux ambitions stratégiques.

Mettre en œuvre des politiques de solidarité active, au bénéfice des Finistériennes et des Finistériens : à tous les âges de leur vie, pour le développement de chacun et l’épanouissement de tous ; avec une attention prioritaire portée aux habitants les plus fragiles, en situation de précarité, de handicap ou d’isolement ;

Renforcer la vitalité, l’attractivité et l’équilibre des territoires : par le renforcement de leur accessibilité, de leur attractivité, par l’encouragement à la mutation et au développement des filières économiques locales, par la préservation et la valorisation de leur patrimoine culturel et naturel.

Il s’accompagne d’une triple volonté : poursuivre la démarche de coopération et de concertation ; inscrire l’action départementale dans une recherche constante d’innovation ; poursuivre l’engagement du Département en tant qu’acteur exemplaire du développement durable.

Vous retrouverez dans les rapports présentés ces priorités mises en œuvre.

Au titre des solidarités actives, nous proposons par exemple un renforcement des moyens humains dans les établissements pour personnes âgées, la mise en œuvre de la nouvelle instance relative à l’enfance délaissée, d’un plan départemental pour l’insertion, des moyens importants pour favoriser l’accès au logement, l’ouverture des nouvelles places d’accueils pour les personnes handicapées (105 en services et 223 en foyers), conformément à nos engagements dans le cadre du schéma Vivre ensemble. Nous sanctuarisons les enveloppes dédiées aux actions éducatives dans les collèges.

Pour renforcer la vitalité, l’attractivité et l’équilibre des territoires, nous participons à la Ligne à grande Vitesse Bretagne Pays-de-Loire, à l’achèvement par l’Etat de la mise à 2X2 voies de la RN164. Nous accompagnons les communes dans leurs projets d’aménagement, de sécurisation et de valorisation des centre-bourgs et plus largement dans les projets inscrits dans les contrats de territoire, nous appuyons le développement du déploiement du très haut débit.

Certaines propositions touchent à notre environnement naturel : dans un monde où la pollution atmosphérique est responsable de 7 millions de morts prématurées chaque année, où la qualité de l’eau est primordiale à la vie, où la biodiversité est la condition du maintien des équilibres qui nous préservent, comment s’en désintéresser. Plus qu’une compétence partagée, c’est une nécessaire action collective doublée des indispensables démarches individuelles. Nous examinerons ainsi par exemple les propositions relatives à la question de l’eau potable et de l’assainissement, aux espaces naturels sensibles et chemins de randonnées, à l’engagement du département, en lien avec les entreprises, à faire appel à des techniques respectueuses de l’environnement, à la lutte contre la précarité énergétique.

Ces actions, initiées dans le cadre du développement durable, touchent à la fois le secteur économique en pleine évolution et la question environnementale. L’ouverture d’une enveloppe de 1 million d’euros pour le soutien aux énergies renouvelables, notamment les énergies marines, dans les 5 prochaines années en est un autre exemple.

Les mutations économiques et la préoccupation environnementale sont liées et le dialogue ouvert et installé. J’en veux pour preuve la contribution des Chambres d’agriculture à la COP 21 et les initiatives prises sur le territoire dans bien d’autres domaines. Personne ne semble nier l’importance de ces démarches, ni les difficultés rencontrées pour mettre en adéquation ces nécessaires évolutions et les contingences économiques et les avis contraires entendus parfois en cette salle sont à mille lieues des discussions engagées sur le terrain.

Ainsi pour remplir nos missions, en plus des solidarités à exercer, il faut donner des perspectives. Ce sont ces perspectives que je vous propose de construire cette année.

Pour mettre tout cela en œuvre, il est nécessaire de disposer d’un budget prévu en conséquence. Car, comment voter des dispositifs sans se prononcer pour les moyens de les mettre en œuvre ?

Le Budget qui vous est soumis est un budget sincère et solidaire.

Il répond à la double nécessité de maintenir le niveau de service attendu par les usagers sans creuser la dette pour les générations futures.

Il tient compte de nos priorités, de nos engagements, des évolutions à venir. De la nécessité d’assurer la continuité des missions de solidarité dans un contexte budgétaire contraint, de maintenir un bon niveau d’investissement en limitant le recours à l’emprunt, d’anticiper suffisamment les évolutions à venir et éviter l’imprévision.

Il inclut les mesures d’économie proposées à hauteur de 21 millions d’euros sur nos dépenses de fonctionnement. Cela implique des reports de budgets, des lissages d’investissement, des opérations prévues mais non réalisées, mais également des suppressions de dispositifs d’aide et des limitations de nos apports financiers. Celles que nous présentons à votre vote, aujourd’hui ont été réfléchies en fonction de nos priorités et de l’importance de notre contribution dans le projet global.

Dans ce cadre particulier, nous avons fait le choix du dialogue et de la transparence, préférant informer les principaux intéressés du fait que nous allions soumettre ces propositions au vote des élu-e-s départementaux. C’est un choix assumé, un préalable nécessaire à l’instauration du dialogue et du travail collectif, qui ne remet en rien en cause la liberté de décision des élu-es départementaux, qui ne préjuge pas de leur position et de leur vote.

Ce budget inclut également la proposition d’augmenter d’un point le taux sur la taxe foncière pour le foncier bâti, seul levier fiscal disponible pour le département, inchangé depuis 2011 sur décision des élu-es. 10 millions de recettes supplémentaire seront ainsi générées pour consolider ce budget solidaire et continuer à agir pour un Finistère attractif et dynamique. Cette augmentation d’un point se traduira par une augmentation moyenne de 16 euros par an par foyer fiscal. Le taux finistérien restera le plus faible de tous les départements bretons et parmi les plus bas des départements similaires.

Le département s’est adapté, a évolué en maîtrisant sa dépense publique malgré des recettes en constante diminution depuis de nombreuses années. Il s’est investi dans les politiques de la ville et les projets des communes et des intercommunalités. Nous serons demain dans cette même logique, dans cette même démarche, mais probablement avec des contributions différentes. Dans le paysage en recomposition, encore en mouvement, le département peut figurer un pôle de stabilité : parfois dernier service présent aux côtés des communes dans les secteurs ruraux, il peut contribuer à une analyse fine du territoire, apporter appui technique et ingénierie de projet…

Nous proposons de prendre le temps du changement et de l’évolution sans brutaliser, sans détruire, sans saper. Si nous déchirons le tissu social patiemment créé par plusieurs générations d’élu-es, de professionnels, de bénévoles, il ne faut pas nous illusionner : nous ne le retrouverons pas. La complexité de la situation nous demande du recul et la de prise en compte les trois temps nécessaire aux projets : le présent, le court et le long. Ce temps long, c’est la préservation de notre environnement naturel, social, humain, de nos valeurs, de notre projet collectif.

C’est pourquoi, je vous propose pour cette année, qui sera, vous l’avez compris, une année de transition :

De voter un budget sincère et équilibré, qui tienne compte, sans la sous-estimer, de la réalité des besoins sociaux de notre territoire et de la nécessité de nous donner les moyens de construire le Finistère de demain, sans pour autant faire trop porter l’effort par les générations futures.

De déterminer quelles seront nos priorités dans les 5 années à venir pour un projet partagé dans un échange avec les Finistériennes et Finistériens. De rechercher, avec nos partenaires, la coordination et l’articulation dans les domaines partagés, pour une meilleure territorialisation de nos politiques dans un objectif de solidarité et d’équilibre territorial.

De poursuivre en parallèle, le travail d’évaluation de nos politiques, d’analyse de nos organisations en fonction de nos missions, de recherche des marges financières qui nous permettrons de mettre en œuvre de nouvelles propositions, de nouveaux projets, de nouveaux modes de faire. En effet, au sein de l’administration, dans les collectivités territoriales, se retrouvent l’esprit d’entreprise, la volonté d’innover, la créativité. Ils sont portés par la conviction des élu-e-s et des agents et les valeurs collectives du service public pérenne et qualitatif.

Je fais avec vous le pari de la bienveillance, du respect, de la sincérité et du collectif. Nous avons su construire cela en Finistère. Il ne faut pas céder à la panique, à la violence de l’urgence. Contre la volonté de ceux qui souhaitent diviser, qui souhaitent soumettre par la peur, je vous propose de continuer notre marche en avant dans un objectif de développement humain, de développement durable.

Il est fréquent de voir opposés utopie et pragmatisme et nous l’entendons régulièrement dans cette Assemblée, de la part de notre opposition, qui voit peut-être négativement la question de l’utopie, de l’idéal. Je rappellerai simplement qu’il n’est pas d’avancée possible sans poursuite d’un idéal et que depuis le Siècle des Lumières, avec le succès que l’on connaît, utopie et pragmatisme ont été mis en résonance, l’une étant le but, l’autre le moyen. C’est en ce sens que cela fonctionne.

Notre majorité a été élue en 2015 sur une ligne politique claire, sur un programme, sur la continuité des politiques menées depuis 1998. Si le contexte évolue, nos priorités et nos objectifs restent. C’est cette ligne politique que je vous propose de continuer à suivre.

 

Seul le prononcé fait foi.