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Discours de Nathalie Sarrabezolles - Séance plénière du 20 décembre 2018

Discours de Nathalie Sarrabezolles

Présidente du Conseil départemental du Finistère

Quimper 20/12/18

Seul le discours prononcé fait foi

 

Mesdames les Conseillères départementales,

Messieurs les Conseillers départementaux, mes cher.e.s collègues,

Mesdames et Messieurs les agents,

Mesdames et Messieurs,

Il y a quelques jours, à peine deux semaines, nos concitoyennes et concitoyens de Strasbourg étaient confrontés à la violence aveugle du terrorisme, à l’angoisse qu’elle génère, aux drames qu’elle provoque.

Le terrorisme est, dans toute son horreur, une atteinte profonde, un choc traumatique que nous ressentons individuellement et collectivement. Il vise à fragiliser et à fracturer toute une société autant qu’à blesser ou tuer les victimes directes. Au-delà des actions de police, de justice, la meilleure réponse est à chercher dans le lien fort à valoriser, nouer, restaurer entre les citoyennes et les citoyens, par-delà les frontières. Il est pour cela nécessaire de veiller à construire un monde où chacune et chacun puisse se retrouver, une société dans laquelle chacune et chacun puisse se reconnaître. Il faut tout à la fois avancer, construire, en pensant collectif et en veillant à n’oublier personne.

Nous adressons nos plus sincères condoléances aux familles et proches des victimes, ainsi que nos vœux de prompt rétablissement à celles et ceux qui ont été atteints, à celles et ceux qui ont été blessés.

Je vous propose de leur adresser, ce matin, une pensée fraternelle et solidaire.

Mes cher.e.s collègues,

Mesdames et Messieurs,

Difficile, bien entendu, de faire la transition après cet instant et je ne m’y risquerai donc pas.

Je ne pouvais commencer mon propos sans aborder prioritairement les questions posées par le mouvement social de ces dernières semaines.

Depuis le 17 novembre dernier, de nombreux Français et Françaises dénoncent à travers une forte mobilisation citoyenne leur difficulté croissante à faire face au quotidien et à des conditions de vie qui se compliquent, voire qui se dégradent.

Au-delà d’une augmentation de leur pouvoir d’achat, ils attendent de la justice sociale et fiscale, des services publics présents, en proximité, en milieu rural comme en milieu urbain, et expriment leur aspiration à plus d’égalité, à plus de participation citoyenne.

Cette crise sociale et politique est d’ampleur. Elle révèle des problèmes profonds, traduisant un déclassement et un renforcement des inégalités sociales, économiques et territoriales dans notre pays. L’avenir s’écrit comme une promesse pour quelques-un.e.s et un risque pour le plus grand nombre. 9 millions de personnes vivent en France, en décembre 2018, sous le seuil de pauvreté, à savoir moins de 1026 euros par mois. 9 millions. Et des millions d’autres vivent à peine au-dessus de ce seuil.

Le travail ne permet plus à certain.e.s de vivre dignement. La présence dans les manifestations de nombreuses femmes assumant seules les charges de famille en témoigne. Comme en témoigne la présence de personnes en recherche d’emploi, de jeunes, d’agriculteurs et agricultrices, de commerçant.e.s, eux aussi particulièrement touchés. Vivre en ville ne protège pas : 65% des personnes pauvres vivent dans les grandes villes.

Dans les communes, en ville comme en campagne, ce constat est sans appel, relayé par des élu.e.s, par des représentant.e.s associatifs, par des syndicats : la pauvreté relative augmente, c’est-à-dire que, dans un pays riche comme la France, les plus riches continuent à s’enrichir pendant que la classe moyenne a tendance à s’appauvrir, élargissant la fracture et accroissant les inégalités, et les plus pauvres voient quant à eux l’avenir s’assombrir un peu plus encore. Ce sont ces inégalités, de plus en plus visibles qu’il faut donc interroger.

Face à cette situation, j’appelle le gouvernement à prendre la mesure de l’expression citoyenne et à renouer le dialogue. C’est un appel à la République qui arrive aujourd’hui, des territoires, des institutions comme des ronds-points, et la réponse attendue est d’abord celle de l’Etat. Les conférences de concertation annoncées ne seront un début de réponse que si elles sont suivies d’effets.

Nous sommes prêtes et prêts, de notre côté, élu.e.s de la République des territoires, à participer à toute démarche sincère et ouverte pour sortir de la crise et fixer un nouvel horizon pour les habitantes et les habitants de notre pays, qui est riche, fort de ses dynamiques territoriales, de sa créativité. Pour y parvenir, l’Etat doit faire confiance aux collectivités locales. L’ensemble des associations de collectivités le demande depuis des mois maintenant. L’appel de Marseille était bien une alerte et une demande forte des élu.e.s représentant les communes, les départements, les régions à l’Etat. Cet appel ne peut rester sans réponse.

Collectivité de la solidarité, le Conseil départemental, je le confirme toujours haut et fort, est ainsi l’échelon incontournable pour accompagner les familles finistériennes qui rencontrent des difficultés momentanées ou plus durables dans leur quotidien. Par les actions menées, par les missions poursuivies, il participe à l’amélioration de leurs conditions de vie, permet autant l’accompagnement que l’aménagement d’un environnement favorable à l’épanouissement personnel et collectif, autant l’accès aux droits, qu’à l’éducation, au sport et à la culture.

Et ce n’est pas anecdotique, ni inefficace. D’après l’INSEE, les prestations sociales réduisent le taux de pauvreté de 8 points. Ce n’est ni anecdotique ni efficace, mais ce n’est pas suffisant. La réponse ne peut être uniquement publique. C’est tout le pays, secteur public comme secteur privé, qui doit trouver les moyens de construire une société plus égalitaire.

Nous regrettons donc que l’Association des Départements de France n’ait pas été associée à la construction du Plan National de lutte contre la pauvreté. C’est pourtant au plus près du terrain que nous agissons contre les fractures de notre pays, portons l’essentiel de l’innovation et de l’investissement publics, contribuons à la qualité de vie et répondons aux préoccupations quotidiennes de nos concitoyennes et concitoyens.

En tant que présidente d’un Conseil départemental, je dois trouver les moyens de continuer à œuvrer pour les habitantes et les habitants, de répondre à leurs attentes et à leurs besoins. Si j’ai souhaité initier une mission d’études portant sur la stratégie de lutte contre la pauvreté, c’est bien pour traduire notre volonté de constamment innover pour construire les solutions de demain. Je suis persuadée qu’opposition sans proposition est une stratégie stérile. Nous demeurons ouverts aux échanges.

C’est pourquoi, dans le même esprit, nous demandons à nouveau au Gouvernement des réponses à nos propositions d’expérimentation de nouvelles relations avec l’Etat dans les politiques territoriales. Seuls une décentralisation réaffirmée et un droit réel à la différenciation permettront de renforcer la capacité des élues locales et des élus locaux d’agir en proximité, d’expérimenter, d’adapter leurs actions aux réalités sociales et territoriales. Ces questions dépassent les portes de notre Assemblée, les frontières de notre département et de notre région.

Incité.e.s par le mouvement social en cours, nous devons engager le pas de la représentation et de la participation voulues pour demain.

Deux questions se posent notamment à nous, élu.e.s, comme à l’ensemble des citoyennes et citoyens :

Vers où voulons-nous aller collectivement ?

Et

Que pouvons-nous faire pour y parvenir ?

Ce qui est certain, c’est que les tenant.e.s du principe selon lequel pour réussir il faut exacerber les concurrences, soutenir les plus performant.e.s, économiquement parlant, territorialement parlant, et dédommager les autres par ruissellement, ont tort. Cela semblait assez évident, mais la mise en œuvre le démontre. Ce qui était présenté comme un axiome n’est pas un avenir inéluctable. C’est une voie sans issue. Il est non seulement possible, mais il est crucial de penser autrement.

Des défis s’imposent à nous, élu.e.s locaux, et nous sommes, au sein de notre majorité et je l’espère de toute cette assemblée, déterminés à prendre toute notre part dans les actions à mener pour les relever.

L’un d’entre eux, et non des moindres, consiste à aviver le ferment démocratique. Car ce que nous vivons est bel et bien une crise de l’efficacité politique.

Les électeurs et électrices s’abstiennent souvent car ils sont persuadés qu’il n’y a plus de solutions politiques. Ils n’ont plus envie d’écouter si les propositions, si le message, si le vocabulaire, même, restent identiques. Et ce n’est pas en disant : « ils n’ont rien compris, nous avons été trop intelligents » que nous avancerons.

Croyons en l’intelligence citoyenne et ayons de la considération. Car considération et respect sont de fortes attentes, ô combien légitimes et justifiées. Cette mobilisation, cette interpellation doit nous amener à être positifs et optimistes. Elle traduit, non de la résignation, mais la volonté de trouver une issue. Nous devons être partie prenante de cette force de transformation sociale et participer à la construction d’une nouvelle dynamique démocratique. Des solutions politiques, il y en a. Elles sont à construire ensemble, en associant les citoyennes et les citoyens mieux qu’ils et elles ne l’ont été jusqu’alors.

Au-delà des mots et des discours, nos actions doivent parler aux Finistériennes et aux Finistériens, refléter leurs attentes, répondre aux besoins. Elles doivent tout à la fois être efficaces dans le présent et s’inscrire dans le temps long.

Au travers des différents schémas, nous associons les parties prenantes, des partenaires aux usagers, à leur élaboration comme à leur mise en œuvre. Les schémas Vivre ensemble, pour les personnes en situation de handicap, ou Bien vieillir en Finistère, pour les personnes âgées, celui de l’enfance ou de la langue bretonne sont autant de temps d’échanges, comme le sont les conférences de l’environnement ou de la solidarité, où près de 300 personnes ont partagé leur expérience, leur expertise, leurs idées pour mieux répondre dès demain aux enjeux de notre société.

Nous sommes chefs de file, mais pas seules parties prenantes ni seuls contributeurs. Nous assumons notre rôle d’animateur, de fédérateur, de mise en réseau, de Morlaix à Quimperlé, de Poullaouen au Cap Sizun.

Nous aurons d’ailleurs l’opportunité, l’année prochaine tout autant que les années précédentes, d’associer largement la population aux choix qui s’ouvrent devant nous. Un nouveau schéma handicap, par exemple, est à construire.

Parallèlement, nous proposerons la mise en place d’instances de consultation et de co-construction. Nous prévoyons ainsi par exemple de lancer un comité de liaison consacré à l’accessibilité du Finistère, ainsi qu’un comité jeune sur les mobilités, ou encore une instance dédiée au nouveau collège que nous construirons dans le secteur de Landerneau. Ces propositions seront abordées lors de la présentation des délibérations afférentes.

Plus largement, il s’agira de poursuivre et d’amplifier les temps de rencontres et d’interconnaissance initiés depuis quelques années maintenant, tels Alasso, autour de l’engagement associatif, la conférence des solidarités, organisée dernier, ou les assises de l’alimentation, où les questions de solidarité sont bien présentes. Selon une étude du Secours populaire fin septembre de cette année, 1 Français sur 5 est en situation de précarité alimentaire ; 1 Français sur 5 admet avoir du mal à se procurer une alimentation saine lui permettant de manger trois repas par jour. L’accessibilité alimentaire est bel et bien une question cruciale.

Il nous faut également nous saisir des possibilités déjà à notre portée, des dispositifs déjà prévus, et soutenir les initiatives qui visent à élargir et faciliter la participation citoyenne.

L’actualité nous apporte un sujet qui s’y prête tout à fait. Le département de Loire-Atlantique, saisi par des pétitionnaires, a ainsi demandé dernier au gouvernement d’organiser un référendum pour demander l’avis des habitantes et habitants de Bretagne et Pays de Loire sur le rattachement du département de Loire-Atlantique à la Bretagne. Je vous proposerai tout à l’heure de soutenir cette démarche en votant à notre tour le vœu qui m’a été soumis cette semaine. Madame Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, a d’ores et déjà fermé la porte à cette possibilité de référendum, arguant la législation. Réponse curieuse à des parlementaires à qui il revient de faire évoluer la loi s’ils le souhaitent.

Il est temps de faire le nécessaire pour rétablir le lien de confiance entre les citoyennes et citoyens et les élu.e.s en proposant à la fois d’améliorer, de mieux utiliser les outils déjà à disposition (le droit de pétition, le référendum d’initiative partagée) et d’ouvrir de nouvelles possibilités.

Autre sujet qui nous mobilisera en comme il nous mobilise depuis des années : la question environnementale. Je ne reviendrai pas sur le fond du sujet : il occupe à juste titre les esprits et préoccupe les jeunes générations. Il paraît utile de nous rassembler sur les principes qui présidaient à la construction de l’Agenda 21 et au développement durable lors du Sommet de la terre à Rio en 1992, c’est-à-dire l’environnement en lien avec la question sociale. Rien ne saurait être durable en terme de développement si les inégalités, les injustices, accrues par les évolutions climatiques, ne sont pas prises en compte. Il est inique de faire porter sur les épaules de celles et ceux qui sont les plus en difficulté, les plus fragiles, le poids de la responsabilité et le prix du changement, accrus par l’imprévision et l’incurie. A tous niveaux des décisions se prennent et il nous faut nous faire entendre à tous niveaux. Je suis ainsi heureuse d’avoir pu insister sur ces aspects, avec mes collègues du Comité des Régions, lors du vote des avis sur les projets de la Commission européenne, notamment ceux consacrés au financement de la croissance durable et aux règlements des fonds de cohésion et de développement régional.

Sur ces sujets également, les Finistériennes et les Finistériens veulent se faire entendre. Sur ces sujets également nous devons continuer à agir de concert en étant attentifs aux effets induits sur les conditions de vie, surtout lorsque ces conditions sont précaires.

Autant de raisons pour lesquelles je souhaite proposer l’année à venir, un focus sur l’environnement, comme l’année 2017 était axée sur l’engagement associatif et 2018 sur la culture.

Mesdames et Messieurs,

Mes cher.e.s collègues,

Nous sommes aujourd’hui réunis pour le débat d’orientation budgétaire, l’occasion d’échanger sur nos politiques, sur nos missions, comme sur le cadre financier dans lequel elles s’inscrivent.

Notre objectif, cette année encore : maintenir les financements nécessaires aux politiques de solidarité humaine et territoriale dans un contexte de plus en plus contraint. Le pacte financier imposé par l’Etat, inéquitable, source d’inégalité, est un nouveau paramètre dans notre réflexion. Nous continuerons à plaider pour son évolution et son adaptation aux réalités de notre collectivité. Nous continuerons à nous faire entendre pour faire entendre, à travers nous, la voix de celles et ceux que nous accompagnons ou que nous serons amenés à accompagner.

Je ne peux en quelques lignes aborder l’ensemble des sujets d’actualité ou des propositions mises en délibération ce jour. Je ne doute pas que les débats qui vont s’ouvrir dans quelques instants permettront de les évoquer.

Voici, mes cher.e.s collègues, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaitais exprimer en ce début de séance plénière, pour ouvrir les échanges autour de notre objet principal : définir ensemble les politiques publiques départementales, en attention particulière à notre territoire et en lien fort avec ses habitantes et ses habitants.

Dans son entretien accordé au Monde, l’économiste Gaël Giraud affirme « Le lien social est ce qui fait qu’une société tient debout ». C’est tout à fait sur cette ligne que je vous propose de continuer à agir en Finistère.