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Face aux défis environnementaux, le Finistère s’engage / Discours de la Présidente du Conseil départemental (19 décembre )

Discours d’introduction de la Séance plénière du 19 décembre

Nathalie Sarrabezolles, Présidente du Conseil départemental du Finistère

 

Pour ma génération et pour celle qui l’a précédée, pour les dirigeantes et dirigeants de l’époque, le présent et l’avenir s’écrivaient majoritairement dans une optique géopolitique, économique et stratégique qui faisait l’alpha et l’oméga des relations internationales. La question environnementale, même si elle était déjà présente, est ainsi passée très longtemps au second plan. Trop longtemps. Le Sommet de Rio, en 1992, bien que réunissant 120 chefs d’Etat et de Gouvernement et 189 pays, n’a produit malheureusement que peu d’effet. Depuis, cette question nous rattrape et les alertes sont nombreuses et répétées, plus vives chaque année qui passe. Depuis, la science s’est faite plus précise et certains effets du dérèglement climatique plus visibles. Depuis, personne ne remet sérieusement en doute sa réalité. Depuis, les citoyennes et citoyens qui nous interpelaient peu sur ces sujets, sont nombreux à le faire.

Nous devons affirmer et mettre en œuvre des actions ambitieuses qui seront décisives pour l’avenir.

Beaucoup de citoyennes et de citoyens, en association ou non, beaucoup de collectivités, se sont déjà engagés dans cette voie. Il nous faut unir nos forces pour contribuer, chacun et chacune, au mouvement qui doit s’amplifier. En ces temps difficiles, l’union est de mise.

Car les actions à mettre en œuvre, pour être efficaces, devront être menées sur tous les fronts en même temps, avec, en ligne de mire, nature et santé préservées, état de droit, égalité et justice sociale. Les changements forts de nos modes de vie qu’elles impliquent suscitant de l’inquiétude, il faudra en outre être très attentifs et attentives à la cohésion et aux situations de vulnérabilité. C’est à ces conditions que nous pourrons avancer vers des transitions positives.

30 ans. 30 ans, c’est le délai qui est annoncé pour réussir le pari de contrarier les effets de notre action séculaire sur le climat. C’est notre horizon pour préserver une qualité de vie correcte sur notre planète. 30 ans, c’est très court. Si nous faisons l’exercice inverse, 30 ans, cela nous ramène en 1990. C’est hier pour nous. Mesurons à quel point chaque année compte.

Sur le sujet environnemental, mobilisée, déterminée, engagée, la jeunesse a donné un bel exemple cette année. A travers le monde, des centaines de milliers de jeunes ont investi l’espace public pour interpeler leurs ainé.e.s sur ces changements qu’ils voient et sur leur espérance de vivre et grandir en paix sur notre planète. S’ils désespèrent souvent de l’inaction de la puissance publique, ils ne déconsidèrent pas pour autant les responsables politiques. Ils et elles votent peu, certes : le taux d’abstention aux élections des moins de 25 ans est de 74%, 70% encore pour les moins de 35 ans. Ils et elles votent peu, mais ont beaucoup à dire. Il nous faut donc les rassurer sur les capacités formidables de la démocratie. Le comité paroles de jeunes qui viendra cet après-midi nous présenter le résultat de leurs travaux saura, j’en suis certaine, illustrer cette volonté de s’engager et d’agir.

Environnement

De COP en COP, les attentes internationales s’affirment, mais les résultats sont inégaux. Pour autant, comme le disait Laurent Bopp lors de la conférence de l’environnement à Menez Meur, depuis la COP21 une chose est acquise : il ne faut pas attendre que les autres répondent toutes et tous présent.e.s pour s’engager soi-même. C’est la clé de la réussite. A chacune et chacun d’établir son plan d’action.

Dans les orientations qu’elle a présentées, Ursula Von der Leyen place ainsi résolument l’Europe dans la voie des transitions et propose un pacte vert pour l’Europe, un « green new deal » s’appuyant sur le mouvement de la jeunesse … Lors de la présentation de ce pacte, la présidente de la Commission Européenne rappelait ainsi « On pourrait accumuler les déclarations sur cette prise en compte de la Planète depuis des décennies mais grâce à notre jeunesse nous avons atteint un seuil de conscience assez fort et irréversible pour agir ».

Elle précise que, dans le fonctionnement de l’union européenne, les Etats membres, mais aussi les régions et territoires, ont leur rôle à jouer et évoque une transition juste et équitable. Il faut qu’elle le soit, en effet, et pas seulement sur papier. Il faut qu’elle le soit dans les faits et dans les résultats. La Présidente de la Commission européenne ajoute enfin : « Nous devons aussi élever le niveau de sensibilisation et de motivation. Je proposerai, pour y parvenir, un pacte climatique européen qui rassemblera les régions, les collectivités locales, la société civile, l’industrie et les écoles. Ensemble, ces acteurs imagineront et adopteront un ensemble d’engagements pour induire un changement de comportement, chez l’individu comme chez la plus grande multinationale. Il s’agira d’un élément clé d’une transition équitable pour tous. » « Ce pacte vert pour l’Europe inclura la première législation européenne sur le climat, afin d’ancrer l’objectif de la neutralité climatique à l’horizon 2050 dans la loi. »

En tant que collectivité territoriale, le Conseil départemental doit lui aussi être au rendez-vous des principaux défis du présent et de l’avenir. En tant que collectivité territoriale des solidarités, il doit l’être d’autant plus. Au fil de son histoire politique, il s’est renforcé dans ses actions pour l’environnement : des premières acquisitions d’espaces naturels sensibles à l’écriture d’un Agenda 21, des politiques de l’eau aux bilans énergétiques pour les ménages, pour ne citer que quelques exemples. Cela peut tomber aujourd’hui sous le sceau de l’évidence, mais remis dans leur contexte, les principaux développements de politique publique départementale au cours de ces 20 dernières années ont tous participé de l’ambition de faire du Finistère un territoire fondé sur un développement équilibré et soutenable.

L’année qui s’achève aura été l’occasion d’évoquer à nouveaux ces sujets, ce socle de principes et d’actions, de les amender des contributions des autres collectivités, des associations, des citoyennes et des citoyens qui se sont associés à la démarche, de prendre en compte la notion nouvelle d’urgence écologique et climatique. Car il ne s’agit pas de s’avancer avec sa pratique comme étendard ou de dénigrer celle des autres, mais de trouver comment, collectivement, nous pouvons construire les pans de la réponse.

Bien entendu, nous vivons les uns, les unes et les autres, depuis plusieurs années, des contraintes supplémentaires, des évolutions institutionnelles, des bouleversements et des réductions de nos champs d’action et l’effet démobilisateur qu’il peut produire. Mais nous pouvons, au Conseil départemental, nous appuyer sur la capacité de réinvestissement des agents, sur leur fierté d’œuvrer pour le territoire, ses habitantes et ses habitants. Le service public est un outil précieux au service de toutes et tous. Il est aussi un levier dans le contexte qui nous préoccupe.

Les crises que nous vivons ne sont plus des crises dans la mesure où elles sont durables et profondes. Ce sont des évolutions, des mutations, des révolutions. Il est donc nécessaire d’engager des changements aussi durables et aussi profonds.

En cela, notre époque est sans aucun doute encore plus anxiogène que la précédente. Cela nous conduit à devoir rassurer sur notre capacité à faire. Pour notre collectivité, il s’agit donc de trouver comment positionner le département en la matière dans le schéma global, comment utiliser ses expertises, ses compétences, sa force de mobilisation et d’action.

Environnement et solidarité

Je vous propose d’engager le Conseil départemental dans cette voie collective et coopérative, qui doit s’étendre du niveau local au niveau international. Lorsqu’Ursula Von der Leyen affirme le nécessaire soutien « des personnes et les régions les plus affectées, au moyen d’un nouveau Fonds pour une transition juste », elle évoque les personnes dont nous avons souvent, au Conseil départemental, l’accompagnement au cœur, et elle évoque des Régions d’Europe qui souvent sont plus affectées que la nôtre. Sur ces deux points, la solidarité devra s’exprimer. Et il sera nécessaire que les critères et les budgets des politiques européennes post reflètent ces objectifs, tant par les appels à projet qu’au travers des fonds structurels, parmi lesquels les fonds sociaux et de cohésion.

Car il ne faut pas l’oublier, l’urgence climatique repose elle aussi sur des inégalités : alors que les populations les plus pauvres au monde sont celles qui contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre et de pollutions, ce sont elles qui souffrent le plus de leur impact. Elles sont touchées en premier et le plus durement par la crise climatique tant en Europe que dans le reste du monde. Et les inégalités sont profondément imbriquées dans les grands maux de notre temps, en Europe et dans le reste du monde : la pauvreté, le changement climatique, l’inégalité de traitement entre les sexes, la détresse sociale…

Sauf à considérer qu’il faut sauver la planète pour quelques-unes et quelques-uns, agir pour le climat, c’est aussi et avant tout agir pour mettre fin aux inégalités avant qu’il ne soit trop tard. Et dans le contexte difficile que nous vivons, la question de la cohésion sociale est primordiale. Lorsque les sécheresses s’imposeront un peu plus encre, lorsque des territoires disparaîtront sous les eaux, lorsque les ouragans s’abattront toujours plus nombreux, nous le savons, maintenir la paix sera une priorité et, pour cela, la solidarité et la cohésion devront s’imposer. Nous devons anticiper, le plus possible, intégrer à nos prévisions les déplacements de populations et les déséquilibres géopolitiques qu’ils provoqueront : 140 à 280 millions de réfugié.e.s climatiques à accueillir dans des territoires moins hostiles à l’horizon 2050 si le réchauffement n’est pas jugulé, déjà 60000 personnes touchées par jour dans le monde … 60 000 personnes qui sont déplacées chaque jour dans le monde. Et, bien évidemment, la question se pose partout, y compris en Finistère où la montée des eaux, notamment, est très surveillée. Sur ces sujets également, le Conseil départemental est mobilisé. Nous avons par exemple entrepris, en lien avec le CEREMA et l’université de Bretagne occidentale, la création d’un outil scientifique d’appui aux décisions que j’ai eu le plaisir de faire découvrir à quelques élu.e.s et que nous aurons l’occasion de présenter plus largement prochainement.

La préoccupation environnementale est bien entendu source de fortes inquiétudes, je le disais, mais elle peut également être la source d’un sursaut collectif, d’un mouvement de fond, si elle est bien saisie comme une opportunité de repenser les organisations humaines, les relations, le développement, vers plus de justice sociale et de vitalité démocratique. Elle doit donc nous rassembler plutôt que nous diviser sur ces enjeux d’avenir majeurs.

En 2018, le vice-président de la banque mondiale pour l’Europe, Cyril Muller, a exhorté l’Union européenne à définir un nouveau contrat social pour combattre les inégalités et pallier le manque de cohésion sociale qui y est associé. Et cette exhortation vaut pour chaque Etat membre. Si rien n’est fait, la confiance dans notre capacité à améliorer la vie de ses habitantes et habitants continuera de décliner.

Unir nos forces pour nous attaquer sérieusement, de front, aux inégalités, obtenir ainsi des résultats tangibles, voilà un chemin propre, il me semble, à conserver ou retrouver la confiance des citoyennes et des citoyens, aujourd’hui et dans l’avenir.

Il nous faut sortir des idées reçues, des modèles anciens ou des schémas dépassés. Comment aurions-nous pu imaginer hier, que des familles ne trouveraient toujours pas de logement décent et adapté aujourd’hui ? C’est pourtant encore d’actualité. Comme est encore d’actualité la grande difficulté pour des enfants d’ouvriers ou d’employés à accéder à des études supérieures. Nous vivons dans un pays riche, sur un continent riche, et nous constatons qu’un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, comme plus de 14% de la population. Comment aurions-nous pu imaginer hier, des agriculteurs ou des agricultrices bénéficiaires de l’aide alimentaire ? Et pourtant, c’est le cas aujourd’hui. Comment imaginer pour l’avenir un schéma de solidarité, un système de protection sociale qui ne place pas dos à dos les générations, qui tienne compte des situations de précarité, des différences de situations et d’opportunités ? C’est la mission qui nous incombe, à toutes et tous.

Les inégalités ne sont pas inévitables. Elles sont la résultante de choix politiques et peuvent être palliées au moyen de politiques efficaces, conjointes et cohérentes. Le Conseil départemental peut y contribuer, fort de ses budgets de solidarité mais également de sa capacité à collaborer, à innover, à construire de nouvelles propositions, de nouvelles coopérations. Le rapport sur la convention territoriale d’exercice concerté de la compétence pour l’accompagnement de l’insertion vers l’emploi que nous verrons tout à l’heure en est un exemple concret.

Environnement et aménagement du territoire

Et je suis persuadée que les solutions à trouver résident dans ces échanges et articulations des politiques publiques menées sur les territoires aux différentes échelles.

Le sujet environnemental, qui implique une question d’équilibre général, c’est aussi un sujet d’aménagement du territoire. Si nous nous sommes inscrits dans la démarche Breizh Cop du point de vue des objectifs de développement durable, nous avons également contribué, associés aux intercommunalités finistériennes, à l’écriture du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), rappelant que la notion d’égalité inscrite dans son intitulé nous renvoie à la nécessité de lutter contre des forces contraires qui pourraient déséquilibrer et fragiliser notre région.

Conclusion

Sur tous ces sujets, nous devons nous mobiliser et, comme rarement, nous devrons évaluer notre action en grande partie par ce qui ne sera pas arrivé. C’est le propre de la prévention et c’est ce qui la rend complexe à mettre en œuvre.

Il y a près de 10 ans, le Conseil général du Finistère adoptait un Agenda 21 avec comme principe d’action le développement durable. Les élu.e.s tenaient déjà un discours fort sur les enjeux écologiques et de préservation des ressources, sur la nécessité d’anticiper et prévenir les impacts du changement climatique. La collectivité engageait alors, dans le cadre des compétences de l’époque, des politiques actives pour :

 

  • gérer durablement les déchets, avec notamment l’élargissement des missions du SYMEED29 ;
  • promouvoir les déplacements respectueux de l’environnement, en particulier les transports collectifs (mise en place du bus à 2€, financements via les contrats de territoire, par exemple le financement d’une navette/bus entre Saint-Renan et Brest), la promotion des modes doux (déploiement du réseau de pistes cyclables) et transports alternatifs à la voiture en solo ;
  • promouvoir une pêche durable, par le soutien financier à la modernisation des équipements, le soutien aux actions de mutualisation et au regroupement d’entreprises (projet d’entreprises « pêche durable ») ;
  • mieux prendre en compte les grands enjeux énergétiques grâce à la mise en place d’un plan climat-avenir à l’échelle du département ;
  • soutenir les énergies marines via l’accompagnement financier de projets collaboratifs de recherche et développement (SABELLA par exemple)
  • faire évoluer nos propres pratiques: 45 millions d’euros alloués à la mise en accessibilité des lieux d’accueils du CG, mise en place et développement du télétravail pour ne citer que quelques exemples ;
  • sensibiliser les Finistériennes et les Finistériens, en particulier les plus jeunes, par le développement d’actions éducatives dans les collèges dont la mise en place des agendas 21 scolaires.

 

Aujourd’hui encore, la préoccupation environnementale est bien présente, avec, par exemple, la faveur aux réhabilitations sur site (le relogement du CDAS sur le site de Kerjegu à Quimperlé, la restructuration du site Stang ar C’Hoat à Quimper, du collège Louis et Marie Fichez de Plouescat, qui inclut la rénovation de locaux existants et la construction d’un bâtiment passif…).

 

La préoccupation environnementale est bien présente, mais certainement encore pas assez puissante, c’est la raison pour laquelle nous proposons une nouvelle charte d’engagement, comme un nouvel élan pour le Département. Dans ces engagements figure la création d’un collège des transitions, qui se propose de créer du lien entre toutes les initiatives finistériennes et d’impulser ainsi de nouvelles dynamiques.

 

Pour terminer, si je devais à ce stade résumer en quelques mots les objectifs qu’il parait important de poursuivre après cette année d’échanges sur la question environnementale, je dirais que nous avons besoin, toutes et tous, d’un élan collectif et de solidarité. Le Département peut s’engager en soutien d’une dynamique territoriale autour des grands enjeux, en articulation, en complément, en coopération avec les autres parties prenantes. Nous avons, en Finistère, la culture de la transition, du dialogue. Saisissons-en nous ! Personne ne peut se prévaloir d’un bilan exemplaire. Nous agissons chacun et chacune pour notre part et pouvons venir en soutien des autres si nécessaire. Lors de la conférence de l’environnement, Rob Hopkins a mis en exergue, comme condition et comme moyen, la capacité d’imagination. Si nous admettons ne pas être parfaits, parfaites, si nous avons la volonté d’être vertueux et que nous traduisons cette volonté en action, si nous nous appuyons sur notre capacité individuelle et collective à la créativité, à l’imagination, je pense que le chemin est balisé et que les objectifs sont atteignables.

Ainsi, au Conseil départemental, nous allons aujourd’hui débattre de nos orientations budgétaires. Au-delà de l’exercice financier, il s’agit bien d’un exercice politique qui nous inscrit dans une démarche d’action pour les Finistériennes et les Finistériens. Je vous propose donc d’inscrire, clairement, fortement, dans nos orientations, cette ambition de la transition et de la justice climatique tout à la fois, non pas pour nous satisfaire de l’existant, mais bel et bien pour nous associer à une dynamique collective nécessaire et l’amplifier.

S’il est une période propice aux bonnes résolutions et aux vœux, c’est bien celle-ci. A l’approche de cette nouvelle année, je nous souhaite donc collectivement de réussir ce pari ambitieux pour l’avenir. Je vous souhaite en outre, à chacune et chacun, de très belles fêtes et une excellente année .